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« Oui, j’ai un père et un excellent père. Que Dieu me le conserve ! Mais il est déjà âgé et maussade. Pour se faire un appui, ne m’a-t-il pas tourmentée toute l’année afin que je me marie ? Que ferai-je donc, si Mila s’en va ? Et pourtant je n’en veux pas d’autre que lui pour mari, et quand même tout le monde se mettrait après moi. Je devrai me tuer à force de travail, pour que mon père n’ait point de prétexte à me gronder, et si avec cela, ça ne va pas, eh bien ! ça n’irait pas. Je ne me marierais toujours point. Ah, grand’mère, ce n’est vraiment pas croyable tout ce qu’il me faut subir dans cette auberge ! Ce n’est pas du travail que je parle. Non ! Dieu me garde de m’en plaindre, car j’aime à travailler, mais ce sont les propos qu’il me faut entendre souvent : voilà ce qui me fâche. »

« Et ne peux-tu y trouver remède ? »

« Mais le moyen, je vous en prie ? Combien de fois n’ai-je déjà pas demandé à mon père de ne pas y souffrir de pareils habitués. Mais lui ne voudrait pas perdre des pratiques, et il me dit toujours : « Je t’en prie ma fille, réponds leur ce que tu voudras ; mais ne sois pas impolie, au point qu’ils cessent fréquenter notre auberge ; tu le sais, c’est notre gagne-pain. Je ne dois donc pas être grossière ou mal gracieuse ; et voilà que si je suis prévenante on me manque de respect. Je doute fort que je vis à l’avenir aussi gaie aussi disposée à chanter que par le passé. S’il ne s’agissait que de deux ou trois bavards, j’aurai bientôt fait de m’en débarasser ; mais c’est qu’il s’agit de l’administrateur et de l’écrivain du château. Voilà ceux qui me font souffrir amèrement ;