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y passait la plus grande partie de la journée ; je m’y glissais vers le soir et nous avions beaucoup à nous raconter. J’avais une telle frayeur que j’allai tout le jour comme une brebis abasourdie ; et comme j’oubliai d’éviter l’officier, je me trouvai le rencontrer plusieurs fois. Pour lui, croyant que je me remettre avec lui, il se remit à chanter l’air connu. Je le laissai parler, mais sans répondre aussi rudement qu’autrefois ; par la raison que je craignais pour Georges. Comme je viens de te le dire, Georges se tenait caché ; personne ne savait rien de sa présence, excepté moi, sa mère et mes parents. Quand sur le soir du troisième jour je sortis de la chaumière où je m’étais arrêtée un peu plus longtemps auprès de Georges, que partout régnaient le silence et l’obscurité, ce même officier se trouva sur mon passage. Il était aux aguets, avait remarqué que je passais la soirée chez la marraine, et il m’attendait dans le verger. Que faire ? Crier ? Mais Georges qui était là haut eut entendu chaque mot, et j’avais peur de l’appeler. Je me fiais en ma force, et quand l’officier eut prononcé une parole inconvenante, je fis le coup de poing avec lui. Ne rie pas ma chère fille, ne rie pas, ne regarde pas à ma faiblesse d’aujourd’hui ; il est vrai que je n’étais pas grande, mais j’étais forte et mes mains endurcies à un travail pénible frappaient dur. Je lui aurais bien résisté toute seule, si dans sa colère, il ne s’était pas mis à pester et à jurer contre moi. Tout fut trahi, car tout à coup Georges tombe entre nous comme la foudre, et saisit l’officier à la gorge. Il l’avait entendu jurer, avait aussitôt regardé par la lucarne, m’avait reconnue