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défunt votre mari avait fait quelque chose de pareil, et dont il avait assez souffert, et vous venez encore d’en parler. J’ai oublié, depuis lors, de vous en reparler ; racontez-le moi à présent, je vous en prie. Le temps en passera plus vite ; il nous en viendra d’autres pensées, et on se trouve si bien établi sous ce sureau ! » dit Christine, en pressant grand’mère de commencer ce récit.

« Volontiers, répondit-elle ! Toi, Barounka, va-t-en prendre garde que les enfants ne s’avançent trop près de l’eau. »

Barounka s’éloigna, et grand’mère commença ainsi :

« J’étais déjà grande fille, quand éclata une guerre entre Marie-Thérèse et le roi de Prusse qui n’étaient point d’accord[1]. L’empereur Joseph arriva à la tête de son armée près de Jaroměř, et le Prussien se posta sur les frontières. Il y avait des soldats dans toute la contrée, et même dans les villages. Notre petite ferme logeait plusieurs simples soldats avec leur officier. C’était un homme fort léger, et l’un de ceux qui croient pouvoir aussi facilement enlacer une jeune fille dans leurs filets qu’une araignée fait de la mouche. Je l’eus bientôt éconduit ; mais mes paroles ne prenaient pas mieux sur lui que la rosée que l’on secoue tout de suite d’un vêtement. Toute parole étant inutile, je m’arrangeai de manière à n’être jamais seule, quand il avait occasion de me rencontrer. Tu sais ce qu’il en est, et comment une jeune fille est obligée de sortir plusieurs fois

  1. Ils étaient en différend sur la succession de Bavière, 1777.