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pour rien recevoir de moi ; aussi ne se prêterait-il pas à ce que mon père le rachetât dans ces conditions. »

« Peut-être pense-t-il qu’en lui apportant une forte dot, une femme se croirait le droit de lui commander, et c’est ce que veut éviter tout homme un peu fier, ma chère fille ; mais ici son acquiescement ne tournerait point pour lui à déshonneur. Enfin, à quoi bon parler déjà d’une chose qui ne sera peut-être pas nécessaire, et qui, si elle le devenait, ne pourrait s’accomplir qu’avec difficulté ? »

« C’est une faute, et une grande faute que d’en avoir ainsi agi avec cet Italien ! J’en riais alors ; et j’en pleure maintenant ! » dit Christine. « Si le fait n’avait pas eu lieu, Mila aurait été reçu en service au château pour deux ans, et aurait échappé ainsi au service militaire. Que je regrette donc en avoir été la cause ! »

« Folle que tu es ! Pourquoi en serais-tu la cause, plutôt que ne le serait cette petite marguerite de la querelle que nous aurions ensemble, si nous la voulions toutes deux à la fois ? Alors, je devrais également m’accuser d’avoir précipité défunt mon mari dans des embarras pareils ; car c’était presque le même cas. Penses-tu, ma chère enfant, que l’homme, une fois transporté de colère, de jalousie, d’amour, ou de quelque autre passion, prenne pourtant conseil de sa raison ? Dans ces moments-là, il n’y pensera même pas, lors même qu’il y irait de sa vie. Tout serait inutile, et l’homme même le plus parfait est sujet à faiblesse. »

« Grand’mère, vous m’avez déjà dit, l’année dernière, et le jour même de la fête de M. Proschek, que