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canards vous ont donc fait ? Vous avez peut-être faim ! Non ? Vous n’avez pas faim, et c’est par pure méchanceté que vous l’avez fait. Partez loin de moi ; je ne veux plus vous voir ! » Et baissant la queue, les chiens regagnèrent lentement leur chenil. Pour elle, oubliant qu’il était encore grand matin, elle alla dans la chambre communiquer son grand chagrin à sa fille.

En la voyant entrer, pâle et toute en larmes, M. Proschek se prit à penser ou que des voleurs avaient pénétré dans la maison pendant la nuit, ou que Barounka était morte. Mais quand il apprit de quoi il s’agissait, il se mit à sourire. Que lui faisaient à lui quelques canards de plus ! Ce n’était pas lui qui les faisait couver ; il ne les voyait pas sortir de l’œuf ; il ne savait pas comme ils étaient charmants à voir nager, en cachant leurs petites têtes dans l’eau, ou y voguant avec leurs petites pattes en dessus. Pour M. Jean, la perte n’était que de quelques rôtis. Il fallait pourtant une satisfaction à la justice ; il prit un fouet et sortit pour en donner aux chiens leur part en souvenir. À ce bruit venant du dehors, grand’mère se boucha les oreilles, mais en se pensant : « C’est nécessaire pour qu’ils ne le fassent plus. » Une heure, deux heures se passèrent sans que les chiens reparussent. Il lui fallut aller voir si on ne leur avait pas fait trop de mal. « Ce qui est fait est fait ; et ce ne sont, après tout, que des animaux ! » se disait-elle à elle-même, en regardant dans les chenils. Les chiens se mirent à hurler lamentablement, la regardant tristement et se traînant à ses pieds. « Vous en avez regret à présent,