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Jacques se tirerait plus facilement d’affaire en épousant la fille du maire ; mais des goûts on ne dispute pas. Je sais que, si Mila est obligé de se présenter au recrutement, et qu’il garde encore le choix entre l’état militaire et son mariage possible avec Lucie, il préférera encore devenir soldat plutôt que gendre du maire. »

« Un fouet en vaut un autre, » dit un second chaland, en secouant la tête ; « et qui aura Lucie n’aura pas besoin de dire : « Mon Dieu ! ne me punissez pas ! « car il se trouvera assez puni. La personne que je plains le plus dans tout cela, c’est cette pauvre Christine. »

Combien elle en aura de chagrin ! dit grand’mère.

« Pour ce qui sera de la fille, » dit le meûnier, en fermant les yeux à demi, « elle pleurera, elle sera chagrine pour un temps, et ce sera tout ; mais le pis sera pour Jacques. »

« Il est sûr que pour celui qui n’est pas content de devenir soldat, le métier est fort dur ; néanmoins, il finit par s’y habituer tout comme un autre, dit grand’mère. Je sais bien, là-dessus, comment les choses tournent, monsieur le meûnier. Défunt mon Georges, et moi avec lui, nous avons dû nous ranger à une accoutumance plus dure encore ; mais notre position était une chose, et celle de Christine en est aussi une autre. Georges a obtenu la permission de se marier, j’ai pu devenir sa femme, et nous avons vécu dans le contentement. Mais le cas est ici tout différent ; et il n’y a pas lieu de s’étonner que Mila parte avec répugnance, quand ces deux jeunes gens pensent qu’il leur faudra s’attendre l’un l’autre