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reconnurent que le père meûnier n’était pas comme à l’ordinaire.

« Il y a que la montagne nous envoie l’inondation ! »

« Dieu nous préserve de la voir arriver subite et terrible, » dit grand’mère effrayée.

« J’en ai bien peur, » dit le meûnier. « Nous avons eu pendant plusieurs jours, les vents du midi ; puis il est tombé beaucoup de pluie dans les montagnes, et quand mes pratiques au haut pays arrivaient à la mouture, elles racontaient que tous les étangs étaient débordés et que la neige fondait rapidement. Je crois cette année, à une inondation assez funeste. Je retourne bien vite à la maison, pour tout soustraire au vilain hôte qui vient nous visiter. Je vous conseillerais de prendre aussi toutes vos précautions ; car on ne peut jamais être trop circonspect. Je reviendrai vous voir dans l’après-midi. Faites bien attention à la crûe des eaux ; et vous enfants, n’allez pas trop près de l’eau, comme des linots et des linottes ajouta-t-il en pinçant la joue d’Adèle. Il dit, et s’en alla.

Grand’mère alla voir à la digue. Des deux côtés de la digue avaient été établies des chaussées fortement palissadées en bois de chêne, et entre lesquelles croissaient des fougères. Et en examinant les parvis de la chaussée, grand’mère vit que l’eau avait beaucoup monté, et que les fougères les plus basses étaient déjà sous l’eau. Sur ces eaux troublées et sales le courant charriait des pièces de bois, des lits de gazon et des rameaux d’arbres. Grand’mère rentra soucieuse à la maison. Quand, par le