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« Je n’ai rien, grand’mère : je sens une telle joie dans mon cœur, que je ne puis m’empêcher d’en pleurer. Et la vieillotte se baissant, déposa un baiser sur le front de sa petite-fille, elle lui caressa les cheveux sans mot dire. Ah ! elle connaissait bien sa Barounka ! —

Le jour même de la grande fête, elle emportait à l’église pour les faire bénir un gâteau, du vin et des œufs. Quand elle eut apporté à la maison les deux mets bénits, chaque personne de la maison en reçut un morceau avec un peu du vin bénit. Elle donna aussi à la volaille et au bétail quelque partie de l’un et de l’autre, comme elle leur avait fait à la fête de Noël ; et toujours dans la-croyance qu’ils n’en seraient que plus attachés au logis, et qu’ils n’en donneraient à la maison que de plus beaux produits.

Mais le lundi de Pâques était pour les personnes du beau-sexe, un jour bien triste, celui-là les jeunes gens étaient dans l’usage de les chlaquer, tout en circulant de maison en maison pour chanter le cantique. Et à peine était-on levé dans la famille Proschek qu’on entendait déjà des voix chanter derrière la porte : « Je suis petit et pauvre, je vous souhaite » etc., et au même instant, quelqu’un frappait à la porte. Ce fut Betca qui alla ouvrir ; mais ne le fit qu’avec précaution — peut-être étaient-ce aussi les jeunes gens, car il était sûr que tous ceux qu’on connaissait aucun ne manquerait pas de venir avec son fouet. Monsieur le meûnier se montra le plus matinal de tous. Il fit d’abord le bon apôtre, souhaita « les fêtes heureuses et joyeuses, » mais tirant de dessous son habit une baguette de saule, il se