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moi cette petite fleur » ; elle s’arrêta aussitôt et tendit la primevère à Barounka, en tenant les yeux abaissés vers la terre. Puis, se dérobant par un mouvement brusque, elle vola, comme une flèche, le long de la côte. Barounka descendit vers grand’mère.

« Il y a bien longtemps, qu’elle est venue chercher à manger, » dit grand’mère.

« Elle a été chez nous hier, » dit Barounca, pendant que vous étiez à l’église ; maman lui a donné une miche de pain et de petits gâteaux de Judas.

« En été elle se portera mieux, la pauvrette. Mais on croirait qu’elle est privée du sentiment : elle va pieds nus tout l’hiver, et ne porte qu’un vêtement fort léger ; çe sont des traces sanglantes qu’elle laisse toujours dans la neige où elle passe, comme si elle n’en ressentait nulle douleur.

La femme du chasseur se serait fait un plaisir de lui donner tous les jours de quoi manger chaud et tout son content, mais elle n’accepte rien qu’un morceau de gâteau ou du pain ! Ah ! malheureuse créature ! »

« Elle n’a peut-être pas froid dans sa petite caverne, grand’mère ; autre elle irait ailleurs ; et néanmoins, nous l’avons priée tant de fois de demeurer chez nous. »

« Le chasseur a dit qu’il fait chaud dans ces retraites souterraines ; et parce que Victoire n’entre jamais dans une chambre bien chauffée, elle ne sent pas tant le froid. C’est le bon Dieu qui arrange tout cela : il envoie des anges gardiens aux petits enfants pour les préserver de tout mal ; et Victoire