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Grand’mère les écarta doucement et elle dit bien aux autres : « Ayez la patience, d’attendre que nous ayons fini de réciter nos prières ! » Quand sur l’ordre de grand’mère, Barounka se fut lavée dans la rigole, elles montèrent à la côte en récitant dix fois Notre Père et autant d’Ave Maria, pour que le bon Dieu leur accordât pour toute l’année la netteté du corps ; telle c’était la coutume. La vieille grand’mère s’agenouilla, joignit avec piété sur sa poitrine ses mains ridées : tourna des regards de confiance vers le côté de l’aurore, qui annonçait à l’Orient le lever du soleil. Barounka était agenouillée près d’elle, et fraîche comme un bouton de rose. Elle aussi faisait ses prières avec piété ; ensuite ses yeux gais et clairs se portèrent de l’Oriept sur les forêts, les prairies et les côtes. Les eaux des montagnes roulaient en flots troubles et lents à descendre, charriant des morceaux de glace et des masses de neige ; les rascins de la côte montraient encore leur lits remplis de neige ; mais ça et là on voyait reverdir le gazon, fleurir les marguerites ; arbres et arbrisseaux montraient déjà les yeux de leurs pousses nouvelles, toute la nature entière s’éveillait à la joie d’une nouvelle vie. Des nuages rouges se dissipaient à l’horizon ; des rayons d’or montèrent et toujours plus haut au delà des montagnes, en dorant les cimes des arbres, jusqu’à ce que le soleil se fût peu à peu, montré dans toute sa majesté, et eut baigné toute la côte de ses flots de lumière. La côte d’en face se trouvait encore dans une demi-clarté ; mais le brouillard tomba peu à peu derrière la digue et au delà de l’eau, on pouvait voir au-