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les bras, et emmènent à l’échafaud, où le bourreau l’attend, le glaive étendu, et s’écrie dans son horrible pathos : Vierge Dorothée, mets toi à genoux, n’aie pas peur de mon glaive ; courbe ta tête héroïquement, je la ferai tomber par un coup de maître. La vierge Dorothée s’agenouille, penche la tête, et le bourreau coupe et lui fait tomber de la tête sa couronne, que les valets ramassent. Puis tous s’inclinent, la vierge Dorothée remet la couronne sur sa tête et va se placer en un coin près de la porte.

« Voyons comme les enfants savent bien jouer, ça c’est un plaisir de les écouter, » disait Ursule.

Grand’mère les loua aussi grandement, et comblés de petits cadeaux, les acteurs se dérobent derrière la porte, et vont derrière la maison se rendre compte de ce qu’on leur a donné ; le roi fait tout de suite le partage des comestibles, mais il met tout l’argent dans sa poche, étant le seul qui y eut droit, en sa qualité de directeur de la représentation, et aussi parce qu’il avait pris à son compte tous les frais et aussi toute responsabilité. Ce partage fait, les acteurs prirent le chemin de Riesenbourg.

Les enfants Proschek prirent plaisir à redire pendant plusieurs jours des phrases de cette déclamation et jouèrent à leur tour Dorothée. Madame Proschek restait seule à ne pouvoir comprendre qu’une pareille bêtise pût plaire à qui que ce fût. Mais déjà on touchait aux derniers jours du carnaval. Le dimanche suivant de jolis traîneaux accouraient de la ville ; ses grelots de chevaux résonnaient si forts aux moindres mouvements de leurs têtes qu’une corneille, habituée de la maison des