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nière, elle avait amassé comme une montagne de toile, du canevas et de filure. Elle avait filé presque tout elle même et chaque année il y en avait toujours davantage.

« Pour qui préparez-vous tout cela madame, puisque vous avez déjà marié votre fille ? » dit la meunière avec étonnement.

« Mais j’ai trois petites-filles ; — et vous savez : la toile et la filure forment le fond d’un bon trousseau.

Et il était tout naturel que les femmes lui donnassent raison. Mais quand l’administrateur se trouvait alors présent, il disait toujours : « Allons, ma petite mère ! étalez bien votre marchandise ! faut-il que je la fasse annoncer au marché à son de caisse ? »

« Ah ! mon cher, c’est comme du métal battu ; ça ne s’en ira pas d’ici cinquante ains. »[1]

La femme de ladministrateur regrettait bien qu’elle ne pouvait offrir autre chose à grand’mère que du pain ; car dans ses pélerinages, elle ne vivait que de pain et d’eau. Un vœu pareil était chose sacrée, et personne n’y pouvait rien objecter. La femme du meûnier passait la nuit, de préférence aussi dans la famille de l’administrateur, et quand elle allait se coucher sur les oreillers moëlleux, elle répétait avec délice son mot ordinaire : mon cher et blanc petit lit, c’est comme si on enfonçait dans de la neige.

  1. Le texte bohême signifie ici sur le mot t r h marché, aussi une felure ou un déchirement.