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les enfants, pour tout travail de la journée. Si vous voulez filer, j’ai encore du lin au grenier ; j’espère que celui de l’année réussira aux champs et que nous en aurons à foison. Je serais bien charmée aussi que vous veuilliez bien prendre la direction du ménage. Car la surveillance au château, la couture et la cuisine emportent tout mon temps, en sorte qu’il me faut abandonner le reste à des mains étrangères. Je vous prie ainsi de me seconder et de commander ici à votre manière. » — « C’est ce que je ferai avec plaisir, mais en tant seulement que cela te conviendra, répondit grand’mère, déjà remise de son malaise ; tu sais que je suis habituée à cette sorte de travail. » Le jour même, elle montait au grenier pour voir le lin ; et le lendemain, les enfants voyaient filer pour la première fois de leur vie.

Le premier soin dont elle s’acquitta, dans la conduite du ménage, fut celui de cuire le pain. Elle ne pouvait souffrir que la servante traitât, sans les égards convenables, ce don de Dieu, n’y faisant pas de signe de croix, ni en le mettant d’abord dans le pétrin, puis au four ; ni en l’en retirant ; et non plus que si elle eut manié des briques.

Avant de faire la pâte, grand’mère faisait le signe de la croix sur le pétrin avec la palette, le réitérait pendant le pétrissage, et jusqu’à ce que le pain fût sur la table. Il était défendu, crainte d’un sortilège sur le don de Dieu, d’aller badauder à l’entour de l’opération, et personne, pas même Guillaume, en entrant alors à la cuisine, n’oubliait son obligation de dire : « Que Dieu bénisse ! »

Ce jour de la cuisson du pain était une fête pour les enfants : ils recevaient chacun de la galette