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s’empresse de rentrer à l’auberge. C’est là Christine, qui veut tresser la couronne de la saint Jean. Je pensais bien qu’elle aimait ce brave garçon, se disait grand’mère, les yeux encore arrêtés sur cette fille. Puis elle ne la vit plus ; mais elle restait encore à la même place, — car alors son âme aimante se délecta dans ses propres souvenirs. — Elle voyait devant elle aussi une prairie ; elle voyait le village de Pohor où elle était née ; et au dessus d’elle la lune et les étoiles ; oui, c’était bien cette même lune, ces mêmes étoiles, toujours belles, et aussi toujours jeunes — mais alors elle aussi était une jeune et fraîche fille à cette nuit là de la saint Jean, où elle cueillait les neuf fleurs pour en tresser la couronne décisive. Et comme si ce passé était redevenu le présent, grand’mère ressentait une crainte effective que quelqu’un ne se trouvât alors même sur son chemin et ne rompit le charme.

Elle se revoit dans sa chambrette ; elle aperçoit encore sur son lit ces oreillers à fleurs, sous lesquels elle mit la couronne. Elle se souvient de l’ardente prière qu’elle fit de toute son âme, pour que Dieu lui montrât en rêve celui qu’elle aimait le plus au monde. Sa confiance qu’elle avait dans la couronne de sa destinée ne l’a point trompée : car elle voyait en songe un jeune homme de haute stature au regard clair et droit celui qui pour elle n’a pas son pareil dans le monde. Grand’mère sourit encore au souvenir de cette curiosité enfantine, avec laquelle elle courut au jardin, avant le lever du soleil, pour jeter, en arrière et par dessus le pommier, la couronne qui avait encore à lui apprendre si ce serait bientôt ou