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chuchotement et enfin des sons calmes. Et elle se disait : Oh ! c’est qu’ils rêvent de quelque chose, et elle continua son chemin. Mais qu’est-ce donc qui l’a de nouveau retenue près du petit jardin ? Serait-ce qu’elle écoute le chant délicieux de deux rossignols placés dans un buisson dans le jardin ? Ou serait-ce au contraire qu’elle prête l’oreille à la chanson de Victoire dont les accents retentissent tristement en venant de la digue ? Ou bien, grand’mère considère-t-elle, vers la côte, cette multitude de petits vers luisants, ces étoiles vivantes ? Des légers brouillards s’élèvent sur la côte. Ce ne sont pas de brouillards dira le monde, et grand’mère croit peut-être aussi que ce sont des nymphes de la forêt, couvertes de leurs voiles transparents, et elle considère peut-être à la clarté de la lune leur danse sauvage. Mais non, ce n’était ni une chose, ni l’autre. Grand’mère regardait du côté de la prairie qui menait au moulin. C’est là qu’une forme de femme enveloppée de blanc s’élança de l’auberge, traversa le ruisseau pour courir à la prairie. Elle s’arrête silencieuse pour écouter, comme fait la biche quand celle-ci sort de sa retraite du fond des bois pour aller paître dans une large clairière. Elle n’entend rien que les modulations prolongées du rossignol, que le sourd lointain tic-tac du moulin, que le bruissement de l’eau qui coule sous les aunes sombres. Elle enveloppe sa main droite d’un mouchoir blanc et se cueille de quoi faire un bouquet de neuf fleurs variées. Quand elle a fini, elle se baisse encore, se lave le visage avec la rosée fraîche ; puis sans regarder ni à droite, ni à gauche,