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« Je veux te le dire ma chère princesse, je l’ai appris des enfants, » se hâta de dire la comtesse Hortense. « Marie est la fille du meûnier ; Cécile et Venceslav sont les enfants d’un certain joueur de vielle qui en a encore quatre. Barounca m’a dit qu’ils mangent des chats, des écureuils, et des corneilles, qu’ils n’ont rien à manger, pas de vêtements et que les gens ont du dégoût pour eux. »

« S’en dégoûtent-ils parce qu’ils sont pauvres ? » demanda la princesse, « ou parce qu’ils mangent des chats et des écureuils ? »

« Oui, c’est pour cette raison-là, » répliqua grand’mère.

« Ce n’est pas un mauvais manger qu’un écureuil ; j’en ai goûté même, » dit la princesse.

« Autre chose est madame la princesse, de manger quelque chose par pur plaisir ; autre chose de le manger à force d’avoir faim. Le joueur de vielle a bon estomac et ses enfants, s’entend, ont tous bon appétit. Or il leur faut tout gagner avec sa musique ; cela veut dire beaucoup. Et que doivent ils faire, ils sont obligés de se nourir de cette manière là, car ils n’ont rien. »

Tout en causant la princesse se mettait à table, Hortense distribua les enfants autour d’elle, et grand’mère dut s’asseoir.

La comtesse voulut lui verser du café ou du chocolat, mais elle la remercia, alléguant qu’elle ne prennait ni de l’un ni de l’autre.

« Et de quoi déjeûnes-tu ? » demanda la princesse.

« Je suis accoutumée dès ma petite enfance à prendre de la soupe selon la coutume de nos