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Il suffisait qu’elle sût un peu lire ; écrire n’était le partage que de celles de la ville. Et c’est pourtant dommage et même un péché quand on a reçu le don de l’Esprit saint de le laisser improductif. Mais que faire, quand on n’en a pas l’occasion ? Mon pauvre mari c’en était un qui avait de l’expérience se connaissait dans les écritures et était habile à conduire charrette et calèche ; il savait écrire, et c’était bien. Il devrait en être ainsi de tout le monde.

Je fabriquai des couvertes, comme auparavant, et je gagnai de jolis groschen. Les temps étaient alors mauvais : c’était des maladies, la guerre et la famine. Un boisseau de seigle coûtait cent florins en papier, et ça veut dire beaucoup ! — Mais le bon Dieu nous a aimés, car nous avons tout traversé tant bien que mal. Il y avait une telle misère que les gens qui allaient acheter ne pouvaient rien avoir même avec de l’argent à poignée. Mon père fut un très honnête homme, il aidait à tous qui vinrent auprès de lui ; et quand des voisins plus pauvres venaient lui dire : vendez-nous un boisseau de seigle ; nous n’avons ni pain, ni grain, il répondait : « Tant que j’en ai, j’en donne avec plaisir, et quand je n’en aurai plus, un autre m’en donnera aussi ; et ma mère était obligée de mettre du blé dans le sac. Mais il ne prenait pas d’argent.

« Nous sommes toujours voisins, « disait-il ; « et si nous ne nous aidons pas, qui nous aidera ? Quand Dieu vous favorisera, vous me paierez en grain, et nous serons quittes » Mon père recueillait ainsi des milliers de « Dieu vous le rende ! » Que si aucun