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i.


Grand’mère avait un fils et deux filles. L’aînée passa plusieurs années à Vienne où elle se maria ; et alors la seconde fille alla la remplacer dans la famille. Son fils menait la vie d’artisan indépendant, dans la maison que sa femme avait eue en dot. Grand’mère habitait, sur la frontière de Silésie, le petit village de Pohor, et vivait heureuse dans sa petite chaumière qu’elle partageait avec la vieille Betka, sa contemporaine, et qui l’avait déjà servie chez ses parents.

Elle ne se sentait pas seule dans sa chaumière : tous les gens du village lui étaient frères et sœurs ; elle était comme leur mère, leur conseillère, sans laquelle ne se célébrait ni baptême, ni mariage, ni sépulture.

Mais voici qu’une lettre qu’elle y reçoit de Vienne, et de sa fille aînée, lui annonce l’entrée subite de son mari au service d’une grande dame qui possédait en Bohême la seigneurie de Náchod, et à quelques heures seulement du hameau de Pohor, où grand’mère demeurait. C’est là qu’elle allait se fixer avec ses enfants, encore que son mari dût ne passer jamais que l’été auprès d’eux, c’est-à-dire le temps même qu’y resterait madame la princesse. Elle finissait la lettre par prier instamment sa mère de venir se fixer pour toujours auprès de sa fille et de ses petits enfants que son arrivée comblera de bonheur. Grand’mère se répandit en larmes, sans savoir à quoi se résoudre. Son cœur la poussait vers sa fille et vers des petits enfants qu’elle ne connaissait pas encore ; mais la longue habitude la retenait à sa petite chaumière et auprès de bons