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bonnes personnes me vinrent en aide. Monsieur le général me fît appeler et me dit, que je recevrais chaque année quelques écus et de l’ouvrage assuré par la faveur du roi ; que mon garçon serait élevé dans un institut militaire ; que pour mes filles, il me serait permis de les mettre dans l’institut royal pour les jeunes filles. Mais tout cela ne me consolait pas, et je demandai qu’on voulut bien me donner seulement quelques pièces d’or pour m’aider à retourner dans ma patrie. Je dis aussi que je n’abandonnerais pas mes enfants, que je veux élever dans ma religion et dans ma langue maternelle. Mais on ne voulait pas permettre de partir, et on me dit que si je ne restais pas, je ne recevrais rien. Qu’à rien ne tienne ! me pensais-je ; le bon Dieu ne me laissera pas mourir de faim, et je remerciai le roi de toutes ses bontés. »

« Mais je pense que l’avenir de tes enfants aurait été assuré ? » objecta la princesse.

« C’est bien possible, madame la princesse ; mais il me seraient devenus comme étrangers. Qui leur aurait enseigné à aimer leur patrie et leur langue maternelle ? — Personne. Ils auraient appris une langue étrangère, adopté des mœurs étrangères, et fini par oublier leur sang bohème. Comment aurais-je pu prendre de tout cela la responsabilité devant Dieu ? Non, non ! celui qui est né d’un sang bohème doit demeurer fidèle à la langue bohème. — Je demandai mon congé ; je pris avec mes enfants le peu de linge et des vêtements qui m’était encore resté, et je dis adieu à cette ville où j’avais passé tant de jours ou heureux, ou amers. Les