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Je dois dire qu’il y avait beaucoup de braves gens dans la ville où nous demeurions ; mais à dater de la mort de Georges, je me sentis aussi abandonnée, aussi seule qu’un poirier solitaire dans un champ. Il me sembla que je serais pourtant plus l’aise, dans ma patrie, que dans un pays étranger, et je m’en ouvris au compatissant Lhotsky. Mais il m’en déconseillait, en m’assurant que je recevrais certainement une pension, et que le roi pourvoirait au sort de mes enfants. J’en fus charmée, mais tout en pensant que je n’en retournerais pas moins dans mon pays ; d’ailleurs, je ne parlais pas allemand. Tant que nous fûmes à Glatz, ça allait mieux ; j’y étais comme à la maison, car on y parlait bien plus bohême qu’allemand ; mais à Nisch, l’allemand prédominait, et je n’ai jamais pu apprendre l’allemand.

À peine étais-je sortie d’embarras que nous fûmes surpris par une inondation. L’eau est un terrible élément quand il se déchaîne, et qui ne laisse pas à l’homme le temps de s’enfuir, même à course de cheval. La hâte fut telle que les vies mêmes ne furent sauvées qu’à grand’peine. Précipitamment, je mis à part ce que j’avais de meilleur ; je pris ce trousseau sur mon dos, mon plus petit enfant sous l’aisselle, mes deux aînés chacun par une main ; et c’est ainsi que je m’avançai à travers l’inondation ayant de l’eau jusqu’aux chevilles. Lhotsky vint à notre secours, et nous conduisit à la Ville-haute, où des braves gens nous reçurent sous leur toit.

La nouvelle fut bientôt répandue dans toute la ville que j’avais perdu presque tout ; et aussitôt de