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Des ablettes brillantes comme de l’argent remontaient à la nage, courant après ces miettes, et, parmi les ablettes, des perches au dos allongé, rapides comme des flèches ; puis, des barbeaux élancés ; des carpes fort ventrues et des barbotes à têtes plates.

Grand’mère rencontra dans la prairie des personnes qui lui adressèrent le salut chrétien : « Loué soit Jésus-Christ ! » ou cet autre : « Que Dieu vous donne un bon jour ! » Ceux qui s’arrêtaient lui demandaient : « Où allez-vous, grand’mère ? Comment ça va-t-il ? Que font les vôtres ? » et elle apprenait tout de suite quelque chose d’eux.

Mais au château ? — Là, il n’y avait rien de réglé. Ici courait un laquais tout galonné ; là, une femme de chambre en robe de soie ; par ici, venait un de ces messieurs ; par là, allait un autre, et portant tous deux la tête plus haut l’un que l’autre, et avec une démarche comme celle des paons, qui seuls avaient le droit de se promener sur le gazon. Si quelqu’un d’eux saluait grand’mère, il prononçait au plus vite un « Guten Morgen ! » ou bien « Buon giorno ! » Grand’mère devenait rouge d’embarras, ne sachant si elle devait répondre comme au salut chrétien : « Dans l’éternité ! » ou comme à l’autre salut : « Que Dieu vous l’accorde ! » Elle disait toujours en rentrant à la maison : « Là, dans ce château, c’est une vraie Babylone ! »

Deux laquais, tout galonnés, se tenaient assis devant le château, et de chaque côté du portail ; celui de gauche tenait les bras croisés sur la poitrine et bayait ; celui de droite les tenait sur son