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L’allemand en tomba malade, et resta sous le coup d’une si grande frayeur de Victoire qu’il préféra partir d’ici. Les filles se moquèrent de lui ; mais le fait est que qui s’en va, gagne. Depuis ce temps-là, nous n’en avons rien entendu dire et nos campagnes seront tout autant florissantes sans lui.

Et maintenant, grand’mère, vous avez là l’histoire entière de Victoire, telle que je l’ai entendu raconter, partie par la défunte femme du forgeron, et partie par Marie. Ce qui s’est passé encore, qui le sait ? À juger d’après l’ensemble, elle a dû bien souffrir ; et celui qui a sur la conscience le malheur de cette âme, en a lourd à porter. »

Grand’mère essuya les larmes de ses joues pâles en disant avec un affable sourire : « Merci bien de votre récit ! Il faut convenir que notre ami le chasseur raconte comme un auteur ; on l’écouterait toujours, et sans fin ; et on oublierait que le soleil est déjà descendu derrière les montagnes. » Et ce disant, grand’mère montrait du doigt l’ombre qui se faisait dans la chambre, et elle rangea son fuseau.

« Restez encore les quelques instants que je vais donner à manger à la volaille, » dit la femme du forestier, afin que je sois libre de vous accompagner jusqu’en bas de la montagne ; et grand’mère se fît un plaisir de l’attendre.

« Et moi, j’irai avec vous jusqu’au pont, car il me faut aller encore au bois, » dit le chasseur en se levant de table.

Sa femme alla chercher du grain, et quelques instants après, on entendait dans la cour : « Pi, pi, pi, pi ! » À cet appel, la volaille accourait voletant