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parlais encore à Marie sur le seuil, quand un domestique se met à crier ! « Voici Victoire qui entre dans le verger ! »

« Antoine ! » dit Marie en allant au verger, « Antoine ! dis-le à nos gens, et retirez-vous tous, pour ne point l’effrayer ! »

Un moment après, elle introduisait, sans mot dire, Victoire dans la chambre du moribond. Elle jouait avec une primevère, et ses yeux noirs, maintenant si languissants, ne se levaient pas de dessus la fleur. Marie la conduisait comme une pauvre aveugle. Dans la chambre tout était silencieux. D’un côté du lit, était agenouillée sa mère ; au pied du lit, le fils unique ; le vieillard avait les bras croisés sur la poitrine ; et, les yeux déjà tournés vers le ciel, il luttait avec la mort. Marie amena Victoire jusqu’auprès du lit. Le mourant tourna les yeux sur elle, et un sourire de bonheur parut sur son visage. Victoire se pensait peut-être qu’il voulait quelque chose, et elle lui mit la primevère dans la main. Le malade la regarda encore une fois, soupira profondément, et il était mort. Elle était venue lui rendre la mort plus facile. La mère commença les lamentations ; et comme Victoire entendit tant de voix, ses yeux hagards se portèrent sur les personnes présentes, et elle s’enfuit.

Je ne sais pas si, depuis ce temps-là, elle est entrée une seule fois dans la maison de ses parents. Depuis les quinze années qu’elle vit dans la forêt, je ne l’ai entendue parler qu’une fois et je ne l’oublierai de ma vie. Je descendais un jour vers le pont. Les serviteurs du château conduisaient du bois sur