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qu’elle en porte un dans son corsage. Voit-elle un enfant, ou va-t-elle quelque part, elle en fait présent. A-t-elle conscience de ce qu’elle fait ? Qui le sait ? Je voudrais savoir ce qui se passe dans cette tête égarée ; mais qui pourait l’éclaircir ? — Elle ? Oh ! bien difficilement.

Quand Marie célébra ses noces avec Antoine et qu’ils se rendirent à l’église à la Montagne-Rouge, Victoire accourut à la ferme. — Était-ce hasard ? ou en avait-elle entendu parler ? — Dieu le sait encore. Elle avait des fleurs sur son sein. Elle arriva jusqu’au seuil et sema les fleurs dans la cour. Sa mère, qui se répandit en larmes, lui apporta au-dehors des gâteaux avec ce qu’elle avait de meilleur ; mais elle se retourna et s’enfuit.

Son père en prit tant de chagrin au cœur, lui qui l’aimait bien fort, qu’il en mourut la troisième année. J’étais justement au village. Marie et son époux, Antoine, me demandèrent avec larmes si je n’avais pas vu Victoire. Ils eussent été satisfaits de l’amener à la ferme, mais ils n’en savaient pas le moyen. « Son père, disaient-ils, ne pouvait pas rendre l’âme, et tous jugeaient qu’elle en était cause, parce qu’elle la retenait » Je revins au bois avec l’idée de la rencontrer ; et je me disais que je lui parlerais et qu’elle me comprendrait. Je la vois assise sous les sapins. Je tourne autour d’elle, sans faire semblant de rien : et pour ne pas l’effaroucher, je dis seulement : « Victoire ! ton père se meurt ; tu pourrais aller le voir. » Elle n’eut pas l’air d’entendre. Je pensais que c’était peine perdue, et je retournais au village pour faire mon rapport. Je