Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/114

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 104 —

Les parents pleurèrent beaucoup et eussent préféré qu’elle fût morte. Mais que faire ? Nous promîmes de la suivre, pour savoir où elle allait, et où elle couchait, afin de l’apprivoiser.

Elle vint un jour sur le soir jusqu’au verger de la ferme de son père. Elle s’y assit sous un arbre tenant ses genoux entre ses deux bras et y appuyant son menton. Elle garda cette attitude, les yeux fixés toujours sur le même point. Sa mère voulut avancer vers elle, mais Victoire se leva prestement, franchit la haie d’un bond et disparut dans la forêt. Mon maître conseilla de déposer pour elle des aliments et des vêtements dans le bois, disant qu’elle les remarquerait peut-être bien ; et aussitôt on apporta de quoi suffire à son besoin. Je disposai les choses moi-même, et j’y allai voir le lendemain. Des aliments, il n’y manquait que le pain ; des vêtements, elle n’avait pris qu’une jupe, une jaquette et une chemise. Tout le reste des effets s’y trouvait encore le troisième jour. Je les ôtai, pour que personne ne les dérobât.

Nous fûmes longtemps sans pouvoir reconnaître où elle couchait. Nous finîmes par découvrir sa retraite, au-dessous de trois sapins, dans une petite grotte. Possible que la grotte eut été formée par l’extraction d’une roche, enlevée anciennement. L’entrée en était couverte de tant de rameaux secs qu’il fallait la connaître pour la découvrir, et elle la barricadait encore avec des ramilles de sapin. J’y entrai une fois en rampant. Il n’y avait de place que pour une ou deux personnes. Victoire n’y avait rien, excepté un peu de litière et de mousse ; c’était son lit.