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conscience tranquille. Il avait fait, croyait-il, tout ce qui était en son pouvoir.

Tout le monde pleura Victoire ; on fit dire des messes et des prières pour elle ; mais quand, au bout de six et de neuf mois, personne encore ne l’eut vue, ou n’en eut même entendu parler, on se pensa qu’elle était morte. L’année s’écoula…

Mais voici qu’un jour les bergers rapportent au village la nouvelle qu’ils ont vu, dans la forêt seigneuriale, une femme de la taille de Victoire, et dont les cheveux étaient tout aussi noirs. Les domestiques de la ferme de Miksch parcoururent les bois dans tous les sens, mais sans trouver aucune trace d’une semblable personne.

C’était la première année que je me trouvais ici, mais encore garçon, chez mon prédécesseur et beau-père défunt. Nous en entendîmes parler aussi, et mon maître me dit, comme j’allais le lendemain en forêt, de bien regarder si je n’y apercevrais pas une telle personne. Et, de fait, j’aperçus le même jour, sur la côte, juste au-dessus des champs de Miksch, et sous les deux chênes dont les rameaux s’entrelacent, une femme assise, et dont les cheveux flottaient au vent. J’avais bien vu Victoire auparavant, mais alors il me fut impossible de la reconnaître dans cette personne si sauvagement accoutrée. C’était bien elle pourtant ! Sa robe avait reçu une coupe élégante et avait dû être belle ; mais, pour le moment, elle était toute déchirée. À son attitude, je reconnus qu’elle était mère. J’abandonnai sans bruit ma cachette, et je me hâtai de rentrer pour tout dire à mon maître. Celui-ci alla en faire part à Žernov.