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elle était, croyait-on, de résister à cette secrète puissance que le démon exerçait sur elle.

« Ne lui en attribuons pas la faute ; elle n’est coupable que de ne s’être point ouverte à moi assez tôt pour que je pusse déjà lui venir en aide. Cependant il était déjà bien tard, il l’avait ensorcelée ; et aussi longtemps qu’il le voudra, elle sera obligée de le suivre. Que si maintenant vous envoyiez après elle, et qu’on la ramenât à la maison, elle irait encore nécessairement le rejoindre. » C’est ainsi que la vieille formula sa décision.

« Néanmoins, » dit le père, « je courrai après elle, qu’il en soit ce qu’il voudra. Peut-être consentira-t-elle à me suivre ; c’était une si bonne fille ! »

« J’irai avec vous, père ! » demanda Antoine, qui écoutait d’un air tout effaré.

« Tu resteras à la maison, » lui intima le paysan. « Quand on est en colère, on n’est plus de bon conseil ; peut-être te ferais-tu mettre en prison, ou te ferait-on prendre la casaque blanche de soldat. À quoi cela servirait-il ? tu as assez souffert tous ces derniers temps avec nous ! ne te fais pas des chagrins plus grands encore. Elle ne peut plus être ta femme ; n’y pense plus. Si tu veux attendre Marie pendant un an, je te la donnerai pour femme ; elle est si bonne ! C’est que je voudrais t’avoir pour gendre, mais non point te forcer. Fais ce que te dicte la sagesse ! » Et tous pleuraient ; mais le père les calmait encore : « Ne pleurez pas ! disait-il, les larmes ne servent à rien ; et si je ne la ramène pas, il n’y aura plus qu’à la recommander à Dieu. »