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« C’est ce soir que les soldats sont partis, » continuait alors sa sœur ; mais à peine eut-elle prononcé ces quelques mots que sa sœur lui prit la main, et lui coupant la parole : « Les soldats sont partis ? » dit-elle, « et où ? »

« Partis, oui ! mais où ? je ne le sais pas. »

« Dieu soit loué ! » soupira Victoire en reposant sa tête sur les coussins.

« Écoute, Victoire ! Mais ne sois pas fâchée contre moi ! je sais que tu ne pouvais souffrir ce soldat noir, et tu prendras peut-être en mal que je lui aie parlé. »

« Tu lui as parlé ? » dit vivement Victoire en se soulevant dans son lit.

«Comment aurais-je pu refuser de l’entendre, quand il m’en priait tant ? Mais j’avais tellement peur de lui que je ne le regardai pas même une fois. Il passait souvent auprès de notre ferme ; mais je l’évitai toujours, jusqu’à ce qu’un jour il m’eut rejointe au verger. Il me remit quelques herbes en me demandant de te les préparer, ajoutant que tu serais bientôt guérie. Je lui répondis que je ne voulais rien recevoir de lui, car j’avais peur qu’il ne t’envoyât quelque talisman. Et comme je refusais, à toute force, de les accepter, il me dit : « Remplis donc mon unique souhait, et dis à Victoire que je pars, mais que je n’oublierai jamais ma promesse. Qu’elle n’oublie pas non plus la sienne ! Pour sûr, nous nous reverrons. » Je le lui promis, et je m’acquitte maintenant de ma commission. Mais sois sans crainte, puisqu’il ne reviendra plus, et que tu seras en paix de son côté, » ajouta Marie.