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indistinctes, ne demandant rien et ne regardant personne. La vieille ne bougeait pas d’auprès d’elle, et mettait tout son savoir à son service pour la guérir. Mais tout fut inutile. Les parents devenaient de jour en jour plus tristes, et le fiancé s’en allait, chaque jour aussi plus désespéré. La vieille hochait la tête et se disait à elle-même : « Comment se fait-il qu’aucun des remèdes que j’ai employés avec tant de succès sur les autres n’en ait pas eu sur elle ? Parce que ce soldat l’a ensorcelée. Oui, c’est cela. » Et elle y réfléchissait jour et nuit. Mais une nuit qu’elle regardait par hasard, de la fenêtre de la chambre dans le verger, elle aperçut debout, au près d’un arbre, un homme enveloppé d’un manteau, et dont les yeux, fixés sur elle, brillaient dans la nuit, comme deux escarboucles ; et elle se jura à elle-même, — car elle en était maintenant certaine, — que sa présomption d’un ensorcellement était fondée. Elle eut donc une grande joie le jour qu’on rapporta à la maison la nouvelle d’un ordre de départ pour les chasseurs. Pour ce qui est de moi, disait-elle, ils peuvent bien tous rester ici ; mais que celui-là seul s’en aille, j’en suis plus joyeuse que si l’on me comptait cent florins. »

« C’est le diable qui l’a conduit ici, » disait un jour le père ; et la mère et la vieille maréchale répétèrent après lui que Victoire était changée depuis le moment où le soldat était venu au village, et ils croyaient, eux aussi, qu’il l’avait ensorcelée. Néanmoins la vieille espérait que son départ éloignerait la puissance diabolique.

Les soldats partirent. Or, cette nuit qui suivit leur départ, Victoire se trouva si mal que la vieille