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yeux m’éclairaient comme le soleil du bon Dieu et je dus fermer les miens. Mais ce fut bien en vain, car il se mit à me parler ! Oh ! comme vous aviez raison, chère marraine, de me dire qu’il peut ensorceler avec sa voix. Je l’entends toujours résonner à mes oreilles ; et ses paroles, comme elles étaient douces quand il me disait, qu’il m’aimait, que j’étais son bonheur et son ciel !

« Quelles paroles de péché ! Ou y reconnaît les ruses du diable. À la bouche de quel homme viendraient de pareilles paroles ? Malheureuse fille ! À quoi as-tu donc pensé d’y croire » Et la vieille de se lamenter encore.

« Mais, mon Dieu, comment ne pas le croire, quand il vous assure qu’il vous aime ? »

« Ce n’est que pour parler. Tout cela n’était que pour t’en faire accroire et s’insinuer dans ton esprit. »

« Je le lui disais bien aussi ; mais il jura sur Dieu et sur son âme qu’il m’aimait depuis le premier moment qu’il m’avait aperçue ; et qu’il s’était abstenu d’échanger toute parole avec moi, ainsi que de me révéler son amour ; il ne voulait pas, disait-il, m’attacher au malheureux destin qui le poursuit toujours et partout, et qui ne lui permet pas de jouir de son bonheur. Ah ! je ne me souviens plus de tout ce qu’il m’a dit ; j’en aurais bien pleuré ! J’ai cru à tout. Je lui ai dit que j’avais eu peur de lui et que, de cette peur-là même, j’avais devenue fiancée. Je lui ai dit que je portais sur le cœur un scapulaire, et quand il me l’a demandé, je le lui ai donné, » dit Victoire en finissant.