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consulter la maréchale. « Il faut croire, marraine, qu’il en est ainsi par une punition de Dieu ; car ce que vous m’avez donné ne m’a point servi. J’avais cependant suivi votre conseil en tout, ajouta Victoire en se lamentant. »

« Sois tranquille, ma tille, sois tranquille ! — je saurai bien venir à bout, de lui, quand même il serait l’Antéchrist. Mais j’ai besoin d’avoir deux choses de lui. Jusqu’à ce que je me les sois procurées, évite, autant que possible, sa présence. Invoque l’ange gardien, et prie pour ces âmes du purgatoire dont personne ne se souvient jamais. Quand tu en auras délivré une, elle suppliera pour toi. »

« Mais, marraine, ce qu’il y a de pis, c’est que je ne peux pas même prier en repos d’esprit ! » dit la fille en pleurant.

« Vois-tu, ma fille ! pourquoi as-tu attendu si longtemps, et jusqu’à ce que cette puissance mauvaise ait prévalu ? Dieu m’accordera de vaincre ce diable. »

Et Victoire ramassait encore toute sa force pour prier avec ferveur ; quand ses idées voulaient s’envoler ailleurs, elle pensait tout de suite à la Passion de notre Seigneur, à la sainte Vierge Marie, pour mettre en fuite cette puissance méchante. Elle s’en défendit un jour, deux jours ; mais le troisième jour, elle alla jusqu’à l’extrémité la plus éloignée du champ de son père pour ramasser du trèfle. Elle donna ordre au domestique de ne pas tarder à venir derrière elle, parce qu’elle aurait bientôt fini, lui dit-elle, de le faucher. Elle y marchait d’un pas léger comme celui d’une biche, et ceux qui la trouvèrent sur leur chemin, se retournaient pour admirer