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ruisselante, cette fois, de la lumière de tous les symboles préfigurateurs que ce prodige allumera, devant lui, comme des flambeaux et, — pour avoir fait, dans le temps des ténèbres, l’usage qu’il vous aura plu de votre liberté de pourriture, — vous connaîtrez, à votre tour, ce que c’est que d’être abandonné de mon Père, la Soif vous sera enseignée et toute justice sera consommée en vous, dans les épouvantables Mains ardentes que vous aurez blasphémées !

Tel était en Marchenoir l’étrange écho de la liturgie sacrée. La ferveur de ce millénaire tendait sans cesse aux accomplissements de la fin des fins. Tous les désidérata des âmes les plus sublimes accouraient à cette âme, comme une invasion de fleuves, et sa prière intérieure mugissait comme l’impatience des cataractes.

Ce chrétien inouï ne pensait même plus à son triste temps. Les colères immenses que soulevait en lui la promiscuité des ambiantes turpitudes, étaient oubliées. Involontairement, il assumait, en de surhumains transports, la déréliction de tous les âges.

— Vous avez promis de revenir, criait-il à Dieu, pourquoi donc ne revenez-vous pas ? Des centaines de millions d’hommes ont compté sur votre Parole, et sont morts dans les affres de l’incertitude. La terre est gonflée des cadavres de soixante générations d’orphelins qui vous ont attendu. Vous qui parlez du sommeil des autres, de quel sommeil ne dormez-vous pas, puisqu’on peut vociférer dix-neuf siècles sans parvenir à vous réveiller ?… Lorsque vos premiers disciples vous appelèrent dans la tempête, vous vous levâtes pour commander le silence au vent. Nous ne périssons pas moins qu’eux, je suppose, et nous