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en effet, pourrait l’ignorer ! — les douleurs et les joies immenses, l’Admiration, l’Amour suprêmes, tous les sentiments excessifs, — tout ce qui nous déracine de la terre pour nous écraser contre les portes de saphir de l’éternelle patrie des cieux, — tout cela est inexprimable en un langage articulé et savant, mais, à défaut de tous les langages, le cri reste toujours, le suprême cri, verbe unique du cœur, où l’âme éperdue peut encore se précipiter, quand elle est par trop bouleversée et qu’elle n’est plus capable de se contenir !

XIII

La Douleur qui fait tant crier les pauvres hommes et qu’ils ont si poétiquement traitée de cruelle alors même qu’elle ne les accablait pas, la Douleur dispose d’un si grand pouvoir, dans son gouvernement miséricordieux, qu’elle est notre mesure et notre poids, — notre mérite et notre seul espoir, dans ces ombres formidables qui nous arrivent à l’agonie et qui nous enveloppent quand nous commençons de broncher dans le tombeau. La Douleur est tout dans la vie, et parce qu’elle est tout, nous puisons en elle comme dans l’inépuisable giron de Dieu, tous les types de nos pensées et toutes les formules supérieures de la Vérité. À cause de cela, l’expression suprême de la Douleur, — le CRI ! — est aussi l’expression de la joie suprême et de l’amour qui n’a plus de mesure, que ce soit l’amour terrestre ou le divin Amour, la joie du ciel ou la joie de l’enfer ! Et lorsque les Poëtes, — ces aigles consumés dans le ciel de l’amour, — s’efforcent de chanter comme la terre n’a jamais chanté, leur âme s’élance et s’échappe d’eux, comme le cri tragique Bien ramené & très touchant. de ce pauvre soldat mourant dans les ténèbres, et c’est alors qu’ils sont si sublimes et qu’ils s’emparent si despotiquement de