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des plus rares images de Dieu, quelque terrestre et vile que soit la matière dont tu fus pétri, tu n’en es pas moins devenu la noble essence et la forme substantielle de cette vie supérieure qui s’est répandue sur toi et qui l’a fécondé. Tu n’étais qu’un pauvre bloc de fange, dans l’inerte obscurité de la fange et te voilà devenu bloc lumineux dans la céleste transparence du séjour de la lumière où le génie t’a fait monter. Tu es, maintenant, comme un vase profond où ton prodigieux fabricateur, — vase d’argile lui-même et plus fragile que toi, — a versé pour nous son âme immortelle comme un parfum d’un inestimable prix. Mais l’ivresse d’admiration que ton aspect nous procure, ô portrait inouï ! est une sorte d’ivresse infinie, parce qu’elle ne nous vient pas seulement du grand artiste qui t’a créé, mais aussi du noble homme dont tu es l’image.

X

On sent le souffle lyrique qui vraiment est partout, et qui ne ballonne pas les joues pour souffler !

Oh ! que l’Art est sublime lorsque, ramenant à lui toute son essence, il éclate dans la lumière de sa propre transfiguration, sur le Thabor resplendissant d’un divin chef d’œuvre ! Les saints docteurs ont enseigné que le Sauveur des hommes, dans sa mystérieuse Transfiguration, n’avait pas fait un nouveau miracle, mais qu’au contraire, il avait interrompu, pour un instant, le prodige perpétuel de sa vie divinement humaine. Eh bien ! à la distance infinie qui nous sépare du Dieu-fait-Homme, — dans notre enfoncement de ténèbres, — quelque semblable effet doit sans doute apparaître, quand la plus éminente de nos facultés ayant accompli quelque transcendant effort, cet intuitif pouvoir remonte à son principe et, pour quelques instants, dévoile sa nature. Regardez d’ailleurs cette MÉDUSE qui semble émerger de l’infini, tant elle est puissante, inattendue,