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voyages. Ces captifs étaient, par nature, essentiellement migrateurs.

Avant de s’unir, ils avaient eu soif de courir le monde. Lorsqu’ils n’étaient encore que fiancés, on les avait vus à Enghien, à Choisy-le-Roi, à Meudon, à Clamart, à Montretout. Un jour même ils avaient poussé jusqu’à Saint-Germain.

À Longjumeau qui leur paraissait une île de l’Océanie, cette rage d’explorations audacieuses, d’aventures sur terre et sur mer n’avait fait que s’exaspérer.

Leur maison était encombrée de globes et de planisphères, ils avaient des atlas anglais et des atlas germaniques. Ils possédaient même une carte de la lune publiée à Gotha sous la direction d’un cuistre nommé Justus Perthes.

Quand ils ne faisaient pas l’amour, ils lisaient ensemble les histoires des navigateurs fameux dont leur bibliothèque était exclusivement remplie et il n’y avait pas un journal de voyages, un Tour du Monde ou un Bulletin de société géographique auquel ils ne fussent abonnés. Indicateurs de chemins de fer et prospectus d’agences maritimes pleuvaient chez eux sans intermittence.

Chose qu’on ne croira pas, leurs malles étaient toujours prêtes. Ils furent toujours sur le point de partir, d’entreprendre un interminable voyage au pays les plus lointains, les plus dangereux ou les plus inexplorés.