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ou dédain, mais tout simplement parce qu’ils n’y pensèrent jamais.

Puis, il aurait fallu se désenlacer quelques heures ou quelques minutes, interrompre les extases, et, ma foi ! considérant la brièveté de la vie, ces époux extraordinaires n’en avaient pas le courage.

Un des plus grands hommes du Moyen Âge, maître Jean Tauler, raconte l’histoire d’un solitaire à qui un visiteur importun vint demander un objet qui se trouvait dans sa cellule. Le solitaire se mit en devoir d’entrer chez lui pour y prendre l’objet. Mais, en entrant, il oublia de quoi il s’agissait, car l’image des choses extérieures ne pouvait demeurer dans son esprit. Il sortit donc et pria le visiteur de lui dire ce qu’il voulait. Celui-ci renouvela sa demande. Le solitaire rentra, mais avant de saisir le dit objet, il en avait perdu la mémoire. Après plusieurs expériences, il fut obligé de dire à l’importun : ― Entrez et cherchez vous-même ce qu’il vous faut, car je ne puis garder votre image en moi assez longtemps pour faire ce que vous me demandez.

Monsieur et madame Fourmi m’ont souvent rappelé ce solitaire. Ils eussent donné volontiers tout ce qu’on leur aurait demandé, s’ils avaient pu s’en souvenir un seul instant.

Leurs distractions étaient fameuses, on en parlait jusqu’à Corbeil. Cependant, ils n’avaient pas l’air