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les soucis d’argent qui peuvent empoisonner la vie conjugale, amplement pourvus, au contraire, de ce qui est nécessaire pour agrémenter un genre d’union légitime sans doute, mais si peu conforme à ce besoin de vicissitudes amoureuses qui travaille ordinairement les versatiles humains, ils réalisaient, aux yeux du monde, le miracle de la tendresse à perpétuité.

Un beau soir de mai, le lendemain de la chute de M. Thiers, le train de grande ceinture les avait amenés avec leurs parents venus pour les installer dans la délicieuse propriété qui devait abriter leur joie.

Les Longjumelliens au cœur pur avaient vu passer avec attendrissement ce joli couple que le vétérinaire compara sans hésiter à Paul et à Virginie.

Ils étaient, en effet, ce jour-là, véritablement très bien et ressemblaient à des enfants pâles de grand seigneur.

Maître Piécu, le notaire le plus important du canton, leur avait acquis, à l’entrée de la ville, un nid de verdure que leur eussent envié les morts. Car il faut en convenir, le jardin faisait penser à un cimetière abandonné. Cet aspect ne leur déplut pas, sans doute, puisqu’ils ne firent, par la suite, aucun changement et laissèrent croître les végétaux en liberté.

Pour me servir d’une expression profondément originale de maître Piécu, ils vécurent dans les nuages, ne voyant à peu près personne, non par malice