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les mains des pauvres. Le bail de cette cuisinière de son agonie expirait naturellement avec lui.

Maintenant, mon histoire est tout à fait finie. Vous voyez qu’elle n’était pas très compliquée. Je voulais simplement vous faire voir, tel que je l’ai vu moi-même, incomplètement, hélas ! un être humain tout à fait unique, dont je suis persuadé qu’il n’existe pas d’autre exemplaire dans le monde entier.

Sans la lettre trop précise de mon correspondant de Bretagne, je serais, parfois, tenté de me demander si tout cela fut bien réel, si cette rencontre fut vraiment autre chose qu’un mirage de mon cerveau, une espèce de réfraction intérieure du Miracle de la Salette, qui se serait ainsi modifié en passant à travers mon âme.

Le pauvre homme est resté là, comme une similitude parabolique de ce Christianisme gigantesque d’autrefois dont ne veulent plus nos générations avortées.

Il représente pour moi la combinaison surnaturelle d’enfantillage dans l’Amour et de profondeur dans le Sacrifice qui fut tout l’esprit des premiers chrétiens, autour desquels avait mugi l’ouragan des douleurs d’un Dieu.

Bafoué par les imbéciles et les hypocrites, indigent volontaire et triste jusqu’à la mort, quand il se regarde lui-même, fiancé à tous les tourments et compagnon satisfait de tous les opprobres, ce brûlant de