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en eux — comme les élus dont j’ai parlé — la seule histoire qui l’intéressât : l’histoire sempiternelle de la Trinité, qu’il me faisait épeler dans les caractères symboliques de la Nature.

Mon ravissement fut inexprimable. À ses yeux, l’empire du monde, perdu par le premier Désobéissant, ne pouvait être reconquis que par la restitution plénière de tout l’ancien ordre saccagé.

Les animaux, me disait-il, sont, dans nos mains, les otages de la Beauté céleste vaincue.

Parole étrange, dont je n’ai pas encore mesuré toute la profondeur. Précisément parce que les Bêtes sont ce que l’homme a le plus méconnu et le plus opprimé, il pensait qu’un jour, Dieu ferait par elles quelque chose d’inimaginable, quand serait venu le moment de manifester sa Gloire.

C’est pourquoi sa tendresse pour ces créatures était accompagnée d’une sorte de révérence mystique assez difficile à caractériser par des mots. Il voyait en eux les détenteurs inconscients d’un Secret sublime que l’humanité aurait perdu sous les frondaisons de l’Éden et que leurs tristes yeux, couverts de ténèbres, ne peuvent plus divulguer, depuis l’effrayante Prévarication…

Le Consolateur ne disait plus rien. Accoudé sur la table et se pressant les tempes du bout des doigts, dans une de ses attitudes familières, il regardait vaguement devant lui, ayant l’air de chercher