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ner en vous un homme d’imagination. Vous pourriez soupçonner, par conséquent — me supposant un zèle téméraire — que je me suis donné ce ridicule à plaisir. Il n’en est rien. Je suis véritablement fait comme cela. J’aime les animaux, quels qu’ils soient, à peu près autant qu’il est possible ou permis d’aimer les hommes.

J’ai quelquefois désiré, je l’avoue, d’être tout à fait imbécile, afin d’échapper complètement aux sophismes de l’orgueil ; mais, ce désir ne s’étant pas réalisé jusqu’ici, je n’ignore nullement ce qui peut être l’occasion du mépris dans cette manière de sentir, qui va, chez moi, jusqu’à la passion et que des personnes très sages ont réprouvée.

N’est-ce point un malentendu ? Serait-ce que la plupart des hommes ont oublié qu’étant eux-mêmes des créatures, ils n’ont pas le droit de mépriser l’autre côté de la création ? Saint François d’Assise, qu’admirent les athées eux-mêmes, se disait le très proche parent, non seulement des animaux, mais des pierres et de l’eau des sources, et le juste Job ne fut pas blâmé pour avoir dit à la pourriture : Vous êtes ma famille !

… Je sais que Dieu nous a livré les bêtes en pâture : mais il ne nous a pas fait un commandement de les dévorer au sens matériel, et les expériences de la vie ascétique, depuis quelques dizaines de siècles, ont prouvé que la force de l’homme ne réside pas