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mes roulent du pied dans leurs ordures ? Quand j’étais sage, il me semblait que je gardais des agneaux très blancs sur une montagne pleine de parfums et de rossignols. J’avais beau être malheureuse, je sentais qu’il y avait en moi une fontaine de courage pour défendre cette chose précieuse dont j’étais la dépositaire et que le Seigneur ne trouvera plus… Aujourd’hui, ma source est tarie, ma belle eau limpide est devenue de la boue, et les plus affreuses bêtes y pullulent… Moi qui aurais pu devenir une sainte aussi claire que le jour, et prier avec les anges sur le bord du tapis des cieux, je n’ai même plus le droit d’être aimée d’un honnête homme qui serait assez charitable pour vouloir de moi !…



À cet instant, les pensées de la jeune fille se figèrent comme le sang des morts. Sa mère, complètement saoule, rentrait à tâtons, bousculant tout, rotant le blasphème et l’ordure, et finalement se vautrait en grognant comme une truie dangereuse.

— Allons ! se dit la jeune fille, j’irai jusque-là, puisqu’il est impossible de faire autrement. Une honte de plus ou de moins, qu’importe ? Je ne pourrai jamais me mépriser plus que maintenant. Ne pense donc plus à rien et tâche de dormir, pauvre petite chienne perdue que ne réclamera personne.