Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/289

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cymodocée Demandon appartenait à la catégorie de ces êtres touchants et tristes dont la vue ranime la constance des suppliciés.

Elle était plutôt jolie que belle, mais sa haute taille, légèrement voûtée aux épaules par le poids des mauvais jours, lui donnait un assez grand air. C’était la seule chose qu’elle tînt de sa mère, dont elle était le repoussoir angélique et qui contrastait avec elle en disparates infinies.

Ses magnifiques cheveux, du noir le plus éclatant ; ses vastes yeux de gitane captive, « d’où semblaient couler des ténèbres », mais où flottait l’escadre vaincue des Résignations ; la pâleur douloureuse de son visage enfantin dont les lignes, modifiées par de très savantes angoisses étaient devenues presque sévères ; enfin la souplesse voluptueuse de ses attitudes et de sa démarche lui avaient valu la réputation de posséder ce que les bourgeois de Paris appellent entre eux une tournure espagnole.

Pauvre Espagnole, singulièrement timide ! À cause de son sourire, on ne pouvait la regarder sans avoir envie de pleurer. Toutes les nostalgies de la tendresse — comme des oiselles désolées que le bûcheron décourage — voltigeaient autour de ses lèvres sans malice qu’on aurait pu croire vermillonnées au pinceau, tellement le sang de son cœur s’y précipitait pour le baiser.

Ce navrant et divin sourire qui demandait grâce