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m’arrive de regarder autour de moi avec épouvante…

— Pardon, monsieur, dit un paléographe, il me semble que vous allez un peu loin.

— Je suis donc dans mon chemin, répliqua l’imperturbable en s’inclinant, car c’est justement très loin que je veux aller,



— Voyons, reprit-il avec bonhomie, je veux bien condescendre à être tout à fait clair. Quel est, dans notre littérature la plus accréditée, je veux dire le roman-feuilleton ou le théâtre, quel est, dis-je, le truc suprême, irrésistible, indéfectible, primordial et fondamental ?

Quel est, si j’ose m’exprimer ainsi, la ficelle qui casse tout, l’arcane certain, le Sésame de Polichinelle qui ouvre les cavernes de l’émotion pathétique et qui fait infailliblement et divinement palpiter les foules ?

Mon Dieu ! c’est très bête, ce que je vais vous dire. Ce fameux secret, c’est, tout bonnement, l’incertitude sur l’identité des personnes.

Il y a toujours quelqu’un qui n’est pas ou qui pourrait ne pas être l’individu qu’on suppose. Il est nécessaire qu’il y ait toujours un fils dont on ne se doutait pas, une mère que personne n’aurait prévue ou un oncle plus ou moins sublime qui a besoin d’être débrouillé du chaos.