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Mais, pardon, j’allais perdre de vue qu’il s’agit d’une histoire précisément saturée de consolation et que les optimistes les plus déçus ne liront pas, j’ose l’espérer, sans quelque douceur.



Mon ami Vénard pratiquait, avec une espèce de génie, le plus oublié des arts. Il n’était pas seulement un enlumineur, il était le rénovateur de l’Enluminure et l’un des plus incontestables artistes contemporains.

Il m’a raconté qu’ayant fait dans sa jeunesse d’assez fortes études de dessin, cette vocation singulière lui fut révélée beaucoup plus tard, lorsqu’au retour d’une expédition fameuse où il avait failli périr, et son patrimoine ayant disparu, la misère le contraignit à chercher quelque moyen de gagner sa vie.

À toutes les époques, cet homme d’action, enchaîné sur le gril de ses facultés, avait machinalement essayé de les décevoir par l’application de sa main à des ornementations hétéroclites dont il surchargeait, en ses heures de pesant loisir, les billets d’un laconisme surprenant qu’il écrivait à ses amis ou à ses maîtresses.

On montrait de lui des messages de trois mois notifiant des rendez-vous, dans lesquels l’amplification amoureuse était remplacée par une broussaille