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dont elle-même ne s’arrêtait pas d’être confondue.

En un mot, elle fut une épouse irréprochable, ah ! grand Dieu ! et qui devait attirer infailliblement les bénédictions les plus rares sur la maison de commerce d’un imbécile malfaisant qui ne comprenait pas son bonheur.

Un jour, quelques années après le mariage, la martyre étant jeune encore et, paraît-il, assez ragoûtante, l’odieux personnage la surprit en compagnie d’un gentilhomme peu vêtu.

Les circonstances étaient telles qu’il aurait fallu non seulement être aveugle, mais sourd autant que la mort, pour conserver le plus léger doute.

L’austère dévote qui le cocufiait avec un enthousiasme évidemment partagé, n’était pas assez littéraire pour lui servir le mot de Ninon, mais ce fut presque aussi beau.

Elle marcha sur lui, gorge au vent, et d’une voix très douce, d’une voix profondément grave et douce, elle dit à cet homme stupéfait :

— Mon ami, je suis en affaires avec Monsieur le Comte. Allez donc servir vos pratiques, n’est-ce pas ? Après quoi, elle ferma sa porte.

Et ce fut fini. Deux heures plus tard, elle signifiait à son mari de n’avoir plus à lui adresser la parole, sinon dans les cas d’urgence absolue, se déclarant lasse de condescendre jusqu’à son âme de boutiquier