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commandes, n’avait eu qu’un cri pour célébrer son exactitude et sa loyauté.

L’excellence de sa main-d’œuvre, certifiée par la soupçonneuse Angleterre, avait obtenu les suffrages de la Belgique, de l’Illinois et du Michigan.

Sa retraite avait donc été l’occasion d’une grande amertume dans les deux mondes, lorsque de gémissantes feuilles internationales avaient annoncé que cet artisan fameux quittait les pompes du comptoir pour consacrer à de chères études ses cheveux blancs respectés.

Fiacre était, en effet, un heureux vieillard dont la vocation philosophique et humanitaire ne se déclara qu’au moment précis où la fortune, beaucoup moins aveugle, sans doute, et beaucoup moins rosse que ne le suppose une vaine multitude, l’avait enfin comblé de ses faveurs.

Il ne méprisa point, comme tant d’autres, le négoce infiniment honorable et lucratif par lequel il s’était élevé de quasi rien jusqu’au pinacle d’une dizaine de millions.

Il racontait, au contraire, avec l’enthousiasme naïf d’un vieux soldat, les batailles sans nombre livrées à la concurrence, et se plaisait à remémorer le coup de feu, parfois héroïque, des inventaires.

Il avait simplement abdiqué, à l’exemple de Charles-Quint, l’empire de la facture, afin d’embrasser une vie supérieure.