Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un jour on vint, en toute hâte, me chercher de la part de cette malheureuse qui voulait me parler seul à seule avant de mourir.

Le prêtre, que je rencontrai dans l’escalier, parut heureux de me voir. Il était fort pâle et m’affirma que ma présence le délivrait d’un grand poids. Puis, il s’en alla, me suppliant d’être charitable.

Je revenais à peine d’un grand voyage et je n’avais pas vu Justine depuis quelques mois. J’eus peine à la reconnaître, tellement elle était devenue belle sous les griffes de la mort.

Je ne retrouvai que les yeux ― quels yeux ! ― dans une face toute blanche où passaient des ombres et des clartés, comme si on eût promené devant elle un flambeau.

Les lèvres, absolument décolorées, n’étaient visibles qu’en opposition à la ligne sombre des dents noircies par la fièvre. Tout le reste indistinct, unifié, fondu dans cette blancheur presque nitide, presque lumineuse, ― un bloc d’albâtre poli réverbérant un tapis de neige ! Les cheveux avaient disparu dans une ample coiffe.

Je suis sûr de n’avoir senti, en cette occasion, que de la pitié, la plus déchirante pitié de ma vie, surtout lorsqu’elle me parla. Plus tard, seulement, je devais sentir la beauté surnaturelle de cette configuration de l’Épouvante et de la Douleur.

Elle m’attendait, assise dans son lit.