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Deux ou trois tomes dépareillés d’Émile Souvestre ou du grand Dumas, un recueil de morceaux choisis et la quotidienne lecture des faits divers du Petit Journal étanchaient surabondamment sa soif littéraire.

Enfin jamais fille n’avait paru plus désignée pour devenir l’ornement et la récompense d’un « honnête homme ».

Je ne me charge pas d’expliquer les prodiges non plus que les mystères, et il ne faut pas compter sur moi pour une élucidation psychologique des histoires trop arrivées dont je me suis fait le narrateur.

Ce qui est sûr, c’est que l’arbre donna des fruits qui ne permirent plus de le reconnaître et que le potager minuscule produisit des fleurs étranges, probablement exotiques, à la place même où l’on s’attendait à voir sortir des navets ou des pommes de terre.

Une héroïne, une véritable et scandaleuse héroïne d’amour, apparut tout à coup en cette Justine qu’on avait crue digne de s’élever jusqu’au traversin d’un homme d’affaires.

Seulement, pour que la nature ne perdît pas tous ses droits, celui qu’elle aima, beaucoup plus que sa propre vie, était un médiocre parmi les médiocres, un employé blond qui raclait l’alto, léchotait de petits paysages en savon et conservait, à trente ans, le prestige du poil follet de l’adolescence.