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Famine, ― il le reçut de ma bouche, comme sont nourris les enfants des aigles de nuit qu’épouvante la lumière.

J’empruntai à la lampe des autels, à la lampe qui ne s’éteint pas, la flamme tranquille et droite qu’il fallait pour désobstruer une intelligence naturellement élaboratrice de ténèbres.

Étant l’aîné, je le pris sur mes épaules et, durant un tiers de ma triste vie, je l’ai porté dans la rosace des horizons, le séparant chaque jour un peu plus des niveaux fangeux, à mesure que je grandissais moi-même, et je suis à jamais courbaturé de ce portement.

J’aurais eu horreur de me plaindre, cependant. J’étais si sûr d’avoir arraché une proie au Démon de la Sottise, une proie d’autant plus précieuse qu’elle semblait, à l’avance, dévolue, par son extraction, à ce Captateur de la multitude.

Némorin Thierry avait été récolté d’une basse branche de ce néflier de la Bourgeoisie dont les fruits pourrissent aussitôt qu’ils touchent le sol. Il tenait, par conséquent, de ses auteurs, un esprit béant aux idées médiocres et rétractile à toute impression d’ordre supérieur.

Pédagogie plus que difficile, tour de force continuel. Il fallait, d’une main, boucher l’entonnoir et, de l’autre, lubrifier les petits conduits, sarcler le terroir et greffer le sauvageon, écheniller et provigner tout à la fois.