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sitôt sous les yeux de sa femme que cette violence révolta, bien que la relique ne lui parût pas fort précieuse.

Mais en même temps, ― parce qu’il est impossible de détruire quoi que ce soit, ― l’image hostile qui n’existait auparavant sur le papier que comme le reflet visible de l’un des fragments de l’indiscernable Cliché photographique dont l’univers est enveloppé, s’alla fixer dans la mémoire soudainement impressionnée de madame Gerbillon.

Hantée, dès lors, par ce défunt dont le souvenir lui était devenu presque indifférent, elle ne vit plus que lui, le vit sans cesse, le respira, l’exhala par tous ses pores, en satura par tous ses effluves son triste mari qui fut, à son tour, surpris et désespéré de toujours trouver ce cadavre entre elle et lui.

Au bout d’un an, ils eurent un enfant épileptique, un enfant mâle monstrueux qui avait la figure d’un homme de trente ans et qui ressemblait d’une façon prodigieuse à l’assassiné de Gerbillon.

Le père s’enfuit en poussant des cris, vagabonda comme un insensé pendant trois jours, et le soir du quatrième, s’étant penché sur le berceau de son fils, l’étrangla en sanglotant.